Vendredi, l’horreur sans fin. La stupeur puis l’effroi. Vite s’assurer que ma tribu va bien. Connaître ce soulagement égoïste pendant quelques minutes, tous ont le corps chaud et le coeur qui bat.

Le flux continu, la longue nuit d’un vendredi qui glace le sang, qui glisse ses frissons de douleur et de dégoût. La colère, la peine et le temps qui s’arrête au détour de l’annonce du journaliste… “On parle de 100 morts au Bataclan.”

Uppercut.

Paris ! Ma France. Ma génération. Celle qui se couche trop tard et qui boit trop. Les miens.
En silence, en larmes, écouter les sirènes. Elle est donc de retour cette obscurité. Cet étendard noir qui n’est que linceul et qui fait couler larmes et sang sur le monde d’aujourd’hui.

Vers 3h du matin éteindre les écrans. Espérer que le compteur ne s’affolera pas pendant ces quelques heures de sommeil. Dormir un peu.

Samedi, la barre au front et le coeur endolori, j’ai voulu me recroqueviller dans mon cocon. Oui je sais, il faut continuer. Laissez la vie reprendre, reprendre le fil de la vie. Mais moi aujourd’hui je ne m’en sens pas capable. Oui j’ai les deux genoux au sol. Le monde est fou. J’ai peur qu’on ait perdu.

Un coup de fil, puis deux. Accepter de décoller les paupières et de soulever ma couette. Après milles hésitations et questionnements, charger un carton puis l’autre. Et se laisser porter par d’autres.

Ce week-end j’ai beaucoup souri. Avec l’impression d’être un paradoxe, souvent. Vous avez été nombreux à venir flâner à la Lovely bulle, à me faire des compliments sur mes créations. Je crois que finalement cette bulle m’a fait du bien, un peu.

On est lundi, je n’ai pas le coeur à créer, tout juste à ranger l’atelier. J’ai lu beaucoup de mots, de messages. Il fallait que je couche les miens ici.

En janvier, j’étais Charlie. Aujourd’hui, je suis Paris, Beyrouth, la vie… Je pense à ceux dont le coeur s’est arrêté, à ces visages si familiers, aux blessés et à ceux qui soignent leur corps et apaisent leurs angoisses. Je pleure avec ceux qui ont perdu un compagnon, un amour, un ami, un collègue, un pote de bar.

J’aime et je chéris tout ce que ces hommes à l’étendard noir détestent. Je suis debout, libre. Des paillettes dans les poches et les poings serrés. Je suis en deuil, le coeur et les bras ouverts.

Demain, je serai légèreté, rire et bienveillance. Futile et concernée. Créative et engagée.

 

paris
photo : May / vie de miettes – dessin : Claire / Bidouillé par lili

 

Les mots des autres, qui m’ont fait du bien, parfois même sourire :

On s’embrassera, en abominable pervertis , Luc Le Vaillant, Libération
Vendredi 13, Sophia Aram, France inter
À la santé des enfants du rock, Charline Vanhoenacker, France inter
Oui, je suis un pervers et un idolâtre, Simon Castéran
et puis les doux mots de May ce matin : À la vie, à l’amour